Fonctions digestives des fibres alimentaires

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Quelles sont les fonctions digestives des fibres alimentaires ?
Par Pr Francisca JOLY GOMEZ, Gastroentérologue, hôpital Beaujon Clichy


Les fibres alimentaires : définition

Les fibres sont l’ensemble des résidus végétaux non traités par les enzymes digestives. Elles peuvent être d’origine naturelles (cellulose, hémicellulose, pectine, lignine, gomme, amidons résistants,…), d’origine industrielle (agents de texture, …) ou des substances assimilées aux fibres (lactose, sucres-alcools, ...). Certains aliments tels que comme le pain complet, les légumineuses ou la pomme de terre en sont particulièrement riches. En France, la quantité moyenne de fibres ingérées, est de 15 à 25 g/j, dans la population générale, alors que la quantité recommandée est de 30 g/j.

Digestion des fibres

Les fibres sont partiellement ou totalement digérées dans le colon par les bactéries du microbiote. La première étape de la digestion est l’hydrolyse des polysaccharides en oses par des enzymes saccharolytiques. La seconde est la fermentation des oses avec production d'acides gras à courte chaîne (AGCC) (acétate, butyrate, propionate), absorbés par les colonocytes, et de gaz (CO2, H2, SO4).

Effets physiologiques des fibres

Les effets physiologiques varient en fonction des propriétés physicochimiques des fibres et de leur métabolisme.

La digestibilité colique des fibres
Elle dépend de la nature des fibres (les fibres solubles sont très digestibles ; la lignine est indigeste), de leur accessibilité physique à la digestion, influencée notamment le mode de préparation (broyage, cuisson, …), et du temps de transit colique.
Augmentation de la fermentation colique
Grâce à la production d’AGCC, la fermentation permet à l’hôte de récupérer de l’énergie. Par la production de gaz, elle provoque des ballonnements.
Poids, fréquence, consistance des selles
Les fibres non fermentées augmentent le poids des selles, d'autant plus efficacement qu'elle a un fort pouvoir de rétention d'eau.
Vidange gastrique et transit dans l'intestin grêle
A forte dose les fibres solubles à fort pouvoir viscosifiant (pectines, gomme guar)
Satiété
A court terme, certains aliments riches en fibres sont plus satiétogènes que des aliments qui en sont pauvres mais cet effet n’est pas confirmé sur plusieurs semaines
Digestion et absorption intestinale (dans le grêle)
A forte dose, les fibres viscosifiantes réduisent le mixing intestinal et épaississent la couche non agitée. Cela peut limiter l’accès des enzymes digestives et retarder la digestion et l’absorption des glucides, notamment de l’amidon, sans entraîner pour autant de malabsorption, le longueur intestinale permettant le rattrapage. Ceci explique en partie l’effet des fibres sur la courbe glycémique.

Certaines fibres chélatent les acides biliaires et le cholestérol entraînant une fuite fécale accrue de ces 2 types de molécules et un effet hypolipémiant.

Les fibres en nutrition entérale

Les premières solutions de nutrition entérale ont été conçues sans fibres avec la nécessité de les faire passer dans des sondes de faible charrière. Si certaines situations cliniques peuvent nécessiter la réalisation d’une diététique sans fibres, les fibres pourraient théoriquement être utilisés dans une grande majorité des cas. L’utilisation d’une nutrition entérale avec des fibres pourraient améliorer les troubles du transit (diarrhée ou constipation) parfois associés à une nutrition entérale. De plus, outre leurs propriétés fonctionnelles, les fibres ajoutées à la nutrition entérale sont surtout intéressantes pour leurs effets métaboliques médiés par les métabolites issus de la fermentation colique, les acides gras à chaîne courte (AGCC), mais aussi par un certain type de fibres, dites prébiotiques, qui favorisent l’émergence de souches bactériennes coliques bénéfiques pour la santé. Néanmoins, notamment en réanimation, où la nutrition entérale est très largement utilisée, les résultats restent globalement non concluants quant à la prévention de la diarrhée en réanimation ou la constipation, même s’il existe une claire tendance à la régulation du transit. Les résultats les plus intéressants concernent le contrôle glycémique par des fibres ajoutées solubles. Par ailleurs, les fibres pourraient participer au renforcement de la barrière intestinale et à la diminution de la translocation bactérienne colique Le défi est donc, en fonction des indications thérapeutiques et des effets recherchés, d’apporter des fibres en tenant compte des problèmes de viscosité et de sédimentation des solutions, et pouvant passer à travers les sondes.

Pour en savoir plus sur l’utilisation des fibres en nutrition entérale :
Elia M, et al. Systematic review and meta-analysis: the clinical and physiological effects of fibre-containing enteral formulae. Aliment Pharmacol Ther. 2008 Jan 15;27(2):120-45.
G. Zeanandin · S.-M. Schneider · X. Hébuterne. Intérêt des fibres en nutrition entérale en réanimation : de la théorie à la pratique. Réanimation (2011) 20:312-318