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Les premières Unités Transversales de Nutrition Clinique (UTNC) ont été créées dans les années 1970 aux États-Unis. Leur mission comportait le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels à l’hôpital, et plus particulièrement de la dénutrition, sur le modèle que l’on connaît maintenant des équipes transversales de la douleur, d’antibiothérapie ou de gériatrie par exemple.
Les UTNC ont montré qu’elles pouvaient augmenter le nombre de patients identifiés comme dénutris, et valoriser de façon importante le coût des séjours hospitaliers. La prise en charge nutritionnelle des patients dénutris diminue les complications à l’hôpital, la mortalité et les réadmissions. De plus, les UTNC permettent d’améliorer les prescriptions de nutrition artificielle, en diminuant l’utilisation de la nutrition parentérale, ce qui limite les complications médicales et les coûts hospitaliers.
En France, en 2008, la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins a lancé, à titre expérimental, huit UTNC (Caen, Lille, Nancy, Paris, Draveil, Rouen et Toulouse). En 2011, le bilan de l’activité de ces unités confirme l’amélioration du dépistage et de la prise en charge de la dénutrition, une valorisation des stratégies de prises en charge et une promotion de la pluridisciplinarité. Le rapport conclut que ces actions ont très vraisemblablement eu un impact positif sur la qualité des soins. Cependant, aucune mesure concrète n’a ensuite été mise en place pour promouvoir la généralisation de ces unités.
Il y un an, la SFNEP a lancé une enquête pour identifier les UTNC en place dans les établissements de soins en France. Tous les participants aux congrès de la SFNEP (n =100) ont reçu un mail demandant s’il existait une UTNC ou une activité de ce type dans leur établissement, et, en cas de réponse positive, si la personne référente pouvait être contactée. Il y a eu 238 réponses et 53 activités cliniques de nutrition ont été déclarées. Parmi ces 53 unités, 37 personnes ont pu être contactés par téléphone pour détailler les caractéristiques des établissements, la date de création de l’UTNC, les participants, le fonctionnement et le financement de ces unités.
Les résultats montrent que les hôpitaux qui déclarent une activité de nutrition clinique sont très majoritairement des centres hospitaliers publics, pour moitié universitaires, et dans deux tiers des cas comprennent plus de 500 lits. Les autres établissements sont des centres de lutte contre le cancer et, beaucoup plus rarement déclarées, des structures privées à but lucratif. Les UTNC ont été créés progressivement dès les années 1990, mais plusieurs ont encore vu le jour depuis 2013, ce qui témoigne d’un mouvement toujours positif.
Les UTNC comportent quasiment toujours un médecin, associé à un cadre de santé, aidé par un secrétariat. Ces professionnels ne peuvent le plus souvent que dédier un temps partiel à l‘activité de nutrition clinique. Les chiffres sont très hétérogènes, mais les établissements déclarent en moyenne une diététicienne pour 90 lits d’hospitalisation, ce qui paraît insuffisant pour pouvoir assurer un suivi clinique de qualité pour les 30 à 40 % de malades dénutris. Toutes les UTNC dépistent et traitent la dénutrition mais elles sont nombreuses à prendre aussi en charge l’obésité, les troubles du comportement alimentaire et le diabète. Toutes les UTNC ne sont pas en mesure de rapporter des chiffres précis, ou de différencier les patients bénéficiant d’une intervention uniquement diététique de ceux bénéficiant d’une prise en charge pluri-professionnelle, mais environ 3000 malades sont évalués en moyenne chaque année. Ces patients peuvent être vus au lit, en consultation ou en hôpital de jour. Dans tous les cas, l’intervention de l’UTNC aboutit à une synthèse de l’évaluation et à un avis thérapeutique. Dans la moitié des cas, l’UTNC réalise aussi la prescription nutritionnelle et le codage PMSI du trouble nutritionnel.
La question du financement de cette activité de nutrition clinique est majeure. Si les huit UTNC mises en place à titre expérimental en 2008 ont bénéficié d’un financement initial, il semble bien que ce soit ensuite les hôpitaux eux-mêmes qui aient pris en charge la pérennité des structures. La grande majorité des établissements déclarent l’absence de financement spécifique ou un financement par la tarification à l’activité (T2A). Certaines structures déclarent un soutien par les MIGAC ou les MERRI. Il apparaît que la création et la pérennité des UTNC dépendent d’une volonté locale portée par des professionnels motivés, soutenus par une direction hospitalière sensible aux arguments de qualité des soins et de remboursements des frais hospitaliers par la T2A.
Cette enquête comporte des limites méthodologiques évidentes, les données sont incomplètes et le nombre d’établissements comportant une activité de nutrition clinique plus ou moins formalisée sous forme d’UTNC ne peut être que sous-estimé. Pour autant, il apparaît que les UTNC sont largement insuffisantes pour dépister et prendre en charge les malades dénutris à l’hôpital. La France se situe probablement dans les élèves médiocres de l’Europe, dont on estime que seulement 5 à 10 % des hôpitaux comportent une activité de nutrition clinique.
Deux millions de personnes sont dénutries en France. La généralisation des UTNC dans les hôpitaux fait partie des recommandations du collectif de lutte contre la dénutrition (www.luttecontreladenutrition.fr). Elle a pour objectif d’identifier tous les malades dénutris à l’hôpital, et d’organiser leur prise en charge à l’hôpital mais aussi après leur retour à domicile, en relation avec les professionnels de ville. L’évaluation et le soin nutritionnel doivent être intégrés dans le parcours de soin de tous les malades à risque de dénutrition, et les UTNC contribuent activement aux stratégies d’optimisation de la prise en charge nutritionnelle.
Par Pr Agathe Raynaud-Simon